
Toutefois, il ne faut pas être naïf : cette
position de principe – et de bon sens – n’épuise pas la question des langues en
Europe. Car toute médaille a son revers et la diversité linguistique est aussi
porteuse de risques.Comme en témoignent les graves tensions communautaires qui
agitent un pays pourtant réputé paisible comme la Belgique,sur notre continent
aussi, les différences linguistiques peuvent susciter des conflits ou être
instrumentalisées à des fins politiques.
De même au plan économique et social, le
multilinguisme peut entraîner des inconvénients non négligeables. Dans un
rapport de 2005 sur les “Incidences du manque de compétences linguistiques des
entreprises sur l’économie européenne”, les auteurs relevaient que chaque année
des milliers d’entreprises perdent des contrats et voient leur activité réduite
par manque de compétences linguistiques. Selon cette étude, 11% de
l’échantillon des PME sondées avaient perdu un contrat faute de maîtriser une
langue étrangère. Les entreprises européennes sont parfaitement conscientes de
ces réalités. Elles accordent donc une importance croissante à la maîtrise des
langues dans leurs critères de recrutement. Toutefois, cette tendance
comporte,en retour,des risques sociaux. Au sein d’un marché à la fois commun et
multilingue, les personnes maîtrisant plusieurs langues jouissent d’un fort
avantage comparatif sur le marché du travail, ce qui conduit mécaniquement à
marginaliser celles qui n’en maîtrisent qu’une.
Les instances européennes sont, du reste,
parfaitement conscientes de cet écueil. La Commission a ainsi lancé,en
septembre 2009,une plate-forme permanente d’échanges d’idées et de bonnes
pratiques sur le thème des langues dans l’entreprise. En effet, face à un tel
enjeu, l’amélioration de l’apprentissage initial des langues lors du cursus
scolaire ne suffit pas.Pour renforcer leurs compétences linguistiques et
conjurer tout risque de discrimination surle critère des aptitudes
linguistiques,les entreprises doivent également s’engager, notamment via le
développement de la formation continue.
De même, pour fluidifier les échanges et permettre
un meilleur accès de tous aux informations administratives mais aussi
culturelles, scientifiques, économiques et sociales, il est capital de
développer nos capacités communes de traduction. À défaut, “l’unité dans la
diversité” qui est au cœur du projet européen resterait un songe vain.
Conformément à la célèbre formule d’Umberto Eco, “la langue de l’Europe, c’est
la traduction”.
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