lunes, 21 de abril de 2014

LES FINALITES DU PLURILINGUISME


Le plurilinguisme dans son acception large, le multilinguisme, est une tentative de réhabilitation de la dimension culturelle du développement. Il est un outil de démocratisation des relations internationales, et des relations intranationales, et constitue à ce titre une force mondiale, tant il est vrai que le débat sur la domination culturelle de l'Occident dans le monde ne pourra être tranché sans une participation offensive et positive au dialogue mondial de toutes les cultures dans toutes les langues, en tirant parti des possibilités offertes par les technologies nouvelles. Mais pour créer les courants d'échanges indispensables entre pays et valoriser les complémentarités il est nécessaire de revenir à une acception étroite du terme, et promouvoir un plurilinguisme institutionnel limité à plusieurs grandes langues de communication internationale pour éviter les dérives d'un monolinguisme raboteur.

Le plurilinguisme individuel doit être encouragé mais il ne doit pas servir à pallier les carences du plurilinguisme institutionnel. S'il est bon que tous les citoyens des pays du monde soient exposés dès leur jeune âge à une vaste gamme de sons et de graphies appartenant à différentes langues du monde et qui en font sa richesse, il est clair que l'État ne peut se contenter d'encourager ses citoyens à apprendre deux voire plusieurs langues. Savoir plusieurs langues ne garantit pas que l'on ait quelque chose à dire dans chacune d'entre elles, ni que l'on puisse l'énoncer clairement. La notion de langue pivot ou de langue principale est à préserver et à cultiver au même titre que la connaissance plus passive d'autres langues. Il n'existe pas de limites au multilinguisme pour le cerveau humain, qui peut parvenir à se débrouiller dans plusieurs dizaines de langues, mais la connaissance en profondeur d'une langue est nécessaire et elle exige un travail de distanciation. Les parfaits bilingues, et a fortiori les parfaits trilingues et les parfaits plurilingues, n'existent pas.

Le plurilinguisme individuel ne doit pas être créateur d'une société à plusieurs vitesses: d'un côté riches en langues et de l'autre  pauvres en langues, et entre les deux toute une gamme de semi-connaisseurs de deux ou de plusieurs langues. La politique en faveur du plurilinguisme, utile pour les futures élites, reste encore peu motivante au niveau des masses (au sein desquelles, même en Europe, le nombre des illettrés reste remarquable).


*Penser le plurilinguisme+ doit dès lors conduire à l'appréhender dans sa totalité : rappeler qu'il n'y a pas de démocratie sans réflexion sur le droit de communiquer dans la langue de son choix (ce qui se traduit par des droits et des devoirs tant au niveau individuel qu'au niveau institutionnel), développer des connaissances pour garder ses distances à l'égard des promesses du monolinguisme et du multilinguisme, mais aussi du plurilinguisme et du bilinguisme mal compris, et éviter ainsi d'être le jeu des intérêts et des idéologies. C'est aussi éviter la soumission totale à l'anglais. Or force est de constater que les francophones, et notamment les élites françaises, ne sont pas prêts à reconnaître pour telle l'illusion qui consiste à croire qu'il est possible d'endiguer l'anglais, sans contester son rang de lingua franca universelle : plus ils auront recours à l'anglais et délaisseront le français et les autres langues, plus la fonction instrumentale de la langue anglaise sera renforcée. Or c'est justement cette *fonction instrumentale+ qui est la cause de son succès et de la disparition concomitante des autres langues. Le bilinguisme anglais-français conduit au monolinguisme anglais. Le plurilinguisme institutionnel dans les échanges internationaux introduit de nouvelles règles du jeu et a un effet protecteur des langues.

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